Bertolini: «Hélas, jamais je n’ai vu un joueur consoler l’arbitre »

L’arbitre fait respecter les règles, mais existe-t-il également des règles précises pour l’homme en noir, par exemple, en ce qui concerne le contact avec joueurs et clubs?

Carlo Bertolini:

Il est beaucoup demandé à un arbitre. Il doit faire observer les règles du jeu, faire respecter - et respecter lui-même! - certaines valeurs, mais il doit aussi montrer l’exemple en tout point. Nous n’avons rien inventé. Il s’agit là de règles qui sont valables dans la vie de tous les jours. Par exemple, exercer son activité avec joie, laisser transparaître le plaisir d’arbitrer. Et puis, bien sûr, il y a l’objectivité. L’objectivité de l’arbitre doit être perçue non seulement sur le terrain - par les joueurs -, mais aussi hors du stade - par les clubs. Il doit être aimable, prévenant, mais aussi ferme, être proche, tout en gardant une certaine distance. L’arbitre doit être maître du jeu, il doit aussi parfaitement maîtriser son propre rôle et distinguer clairement: «ceci est le club A, cela le club B et je dirige le match entre ces deux équipes.»

Un arbitre peut-il se permettre d’être fan d’une équipe, en tant que personne privée?

Pour garantir son  objectivité, ce n’est pas souhaitable…

Pas souhaitable, mal vu ou carrément interdit?

Il n’est écrit nullement que l’arbitre n’a pas le droit d’être, dans sa vie privée, supporter d’un club. Il n’est pas imaginable de tenir un contrôle des arbitres concernant leurs éventuelles sympathies. Pour ces raisons, il n’est pas possible d’édicter une interdiction quelconque. On peut aimer un club, mais on ne donnera jamais la préférence à une équipe. Il y a, cependant, des facteurs concrets qu’il est possible de contrôler. Par exemple, il est strictement interdit aux arbitres de jouer au Sport-Toto. En revanche, si un arbitre a envie d’aller voir un match, il en a le droit, bien entendu. En ce qui me concerne, je n’encourage pas cette pratique, car l’idée d’objectivité doit primer sur tout. Et puis, plus prosaïquement, j’estime que si un arbitre bénéficie d’un week-end de congé, il devrait en faire profiter sa famille.

Parlons de la préparation d’un arbitre avant le match. À quoi ressemble-t-elle concrètement?

La préparation débute quelques jours avant la partie. Jusqu’au 25 du mois précédent les matchs, l’arbitre reçoit une liste, qui énonce les journées pour lesquelles il est prévu. C’est une préconvocation qui ne précise pas quel(s) match(s) il dirigera concrètement. Mais, il sait que, lors de telle ou telle journée, il dirigera une rencontre de Raiffeisen Super League, ce qui lui permet d’entamer une préparation adéquate. C’est dix jours avant la date fatidique qu’il recevra sa convocation définitive. C’est alors qu’il entame sa préparation en détail: consultation de son employeur, planification du déplacement, prise de contacts avec ses assistants arbitres et avec le 4e officiel, ainsi qu’avec les responsables de l’équipe recevante, etc. Il examinera notamment la situation du trafic, car les éventuels bouchons peuvent lui jouer un mauvais tour; pour ce qui est de la circulation, il est toujours indiqué de se renseigner soigneusement.

Hormis ces aspects d’ordre organisationnel, l’arbitre se prépare-t-il aux éventualités tactiques et aux caractéristiques du jeu des équipes qui vont s’affronter?

La formation des arbitres touche cet aspect des choses, nous tentons de sensibiliser les arbitres et nous leur fournissons certains instruments lors de nos cours. En fin de compte, il est cependant de la responsabilité de chacun de se procurer les informations nécessaires par ses propres moyens. Avec les médias - internet notamment - de nos jours, chaque arbitre est capable de s’informer dûment sur les équipes en présence ou sur les joueurs impliqués. Le principe de base est que les connaissances de chaque arbitre doivent être à jour.

À quoi ressemble sa préparation le jour du match, peu avant le coup d’envoi? Est-ce que c’est l’affaire de tout un chacun ou existe-t-il des rituels prescrits?

L’un comme l’autre est valable. L’échauffement en trio est de rigueur, de même que l’arrivée au stade, respectivement dans la cabine de l‘arbitre, doit être définie. Ensuite, les besoins de chacun peuvent différer. Certains arbitres se retirent et s’isolent, afin de se préparer psychologiquement. Ce qui doit avoir absolument lieu, c’est un entretien entre les quatre arbitres. De manière générale, cet entretien a lieu dans un endroit neutre, à l’hôtel par exemple. Cet entretien contiendra des prévisions de certains scénarios pouvant se présenter. De pures hypothèses, bien entendu. Il s’agit, cependant, d’envisager des cas de figure pouvant se présenter et de s’y préparer, en limitant ainsi au maximum les risques engendrés par un événement non prévu.

Envisageant l’exemple d’un match sans histoire(s). Que se passe-t-il après le coup de sifflet final?

Ce qui suit ressort du domaine tout à fait humain et compréhensible. Après toute activité, l’être humain veut obtenir une appréciation. Telle décision était-elle fondée ou mauvaise? Comme les joueurs, les arbitres ont envie de savoir s’ils ont été bons ou non. Ai-je réagit juste en telle circonstance? Dans sa tête, il a au préalable répondu soi-même à sa question. Mais après le coup de sifflet final, sur le chemin des vestiaires, l’arbitre est confronté à la réalité des réactions des uns et des autres, ainsi qu’à la vérité des images télévisées. Ainsi, il est de mise que le coach arbitral procède à un debriefing avec les arbitres encore sur les lieux mêmes. On évoquera les scènes litigieuses, tels que les penaltys sifflés ou non sifflés, des buts accordés ou non, etc.

En clair, cela signifie que l’arbitre a toujours à sa disposition les images du match qu’il vient d’arbitrer?

Dans des situations spécifiques, l’arbitre et l’inspecteur ont toujours la possibilité de se rendre au camion de retransmission TV pour visionner certaines scènes. C’est un accord qui existe avec la Télévision publique suisse et Teleclub. Les arbitres reçoivent d’ailleurs, à la fin du match, un DVD de la rencontre, qui leur permettra de procéder à une analyse plus approfondie. Parfois, on la fait encore dans le vestiaire, sur le PC.

Quelles sont les mesures que vous prendrez en cas d’erreur manifeste d’un arbitre?

Les erreurs font partie du jeu. Je ne dis pas qu’il doit forcément s’en produire, mais, enfin, les erreurs font partie du jeu. Que ce soit pour les joueurs ou les arbitres, comme pour toute personne participant à un match. Les joueurs ont la tâche un peu plus facile, me semble-t-il: lorsque l’un d’entre eux, par exemple, rate un penalty, ils se trouvera toujours quelqu’un pour consoler le joueur et pour le remotiver. Hélas, je n’ai encore jamais vu un jouer aller encourager l’arbitre après une erreur de sa part, d’aller vers lui et de lui dire: «Allez courage. Ce n’est pas grave!» (

il rit de bon cœur

).

L’image serait pourtant belle…

Le jour où cela se produira, je l’apprécierai comme le plus beau signe de fair-play qui soit.

Admettons que l’erreur arbitrale ait eu des conséquences lourdes. Avez-vous prévu des sanctions?

La sanction principale pour un homme en noir est le remords qu’il ressentira. Je me rappelle de mes erreurs d’arbitrage. Jamais, je n’ai réussi à dormir tranquille. Une telle scène vous poursuit et vous vous demandez comment faire, la prochaine fois, pour être sûr de prendre la bonne décision. Ainsi, je suis d’avis qu’un arbitre ayant commis une faute ne nécessite aucune sanction supplémentaire. Le résultat en serait que nous aurions de plus en plus d’arbitres rechignant à siffler, de peur de prendre une mauvaise décision. Ce qui me paraît important, c’est d’encourager la bonne volonté et la pratique de l’autocritique, de l’analyse commune, afin d’apprendre pour le match à venir.

Vous nous dites donc clairement qu’il n’existe pas de catalogue de sanctions pour les arbitres?

Une erreur commise sur le terrain n’est pas une raison de punir. Si l’arbitre contrevient aux valeurs prônées et aux directives existantes, c’est autre chose. Dans un tel cas de figure, nous prendrons, nous aussi, des mesures appropriées.

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